Une sélection de paysages de la collection du MUba Eugène Leroy
Le paysage, c’est une scène vue, embrassée par l’œil. C’est aussi la représentation de cette scène et, dans l’histoire des arts plastiques, le paysage s’est constitué comme un genre associé à la peinture.
Un paysage ne correspond pas toujours à un lieu réel : les jardins peints ont par exemple longtemps été, dans différentes cultures, la représentation symbolique d’un ordre divin. Et même lorsque, à partir du 19e siècle, des artistes placent leur chevalet en plein air pour peindre la nature, il s’agit toujours de choisir un angle de vue, de cadrer, de composer voire de modifier les éléments d’un paysage observé.
Dans la représentation d’un lieu, il est donc question du sentiment qu’on en a, de l’expérience qu’on en fait. L’artiste l’idéalise parfois, il peut aussi y projeter des états d’âme. Le paysage peut être une réminiscence ou un souvenir plutôt qu’un lieu réellement observé et, dans certains cas, les deux à la fois. L’imagination fait ainsi dériver l’observation d’un paysage vers sa métamorphose fantasmatique et transforme un arbre, un rocher en un corps. Quand les représentations symboliques de la nature cessent de reposer sur des croyances collectives, des mythes partagés, reste encore à l’artiste la possibilité d’y investir sa propre mythologie, individuelle.
En écho à l’exposition des œuvres du musée d’Orsay, une sélection de paysages de la collection du MUba est présentée dans un parcours libre proposant des rapprochements entre des œuvres souvent éloignées par leur époque, technique et lieu de production. Toutes permettent d’apprécier l’espace du jeu entre paysage vu et paysage rêvé, fantasmé, remémoré, intériorisé.
Avec des œuvres de : Eugène Leroy, Giovanni Battista Piranesi, François-Auguste Ravier, Camille Corot, Henri Le Sidaner, Antoine Petitprez, Marc Trivier, Adolphe Monticelli, Elmar Trenkwalder, Eugène Carrière, Marc Ronet, Antonio Semeraro, Sarkis, Pat Steir, Gustave Courbet, Miriam Cahn, Marc Devade, Markus Raetz, Lucien Jonas, Charles-Marie Dulac, Ernest Guillemer.
À la fin du 17e siècle, en Italie, naît une tradition picturale : celle de la veduta (la « vue » en français), une image peinte qui décrit fidèlement l’apparence détaillée d’une section de paysage, souvent urbain. Au 18e siècle, les vénitiens Canaletto ou Francesco Guardi en sont les représentants les plus célèbres.
Le genre de la « vue » n’interdit pourtant pas les altérations de la scène observée. Chez les « védutistes », l’échelle des personnages est souvent réduite par rapport à celle des édifices. Dans de nombreuses peintures de cette époque, les ruines des temples antiques, grandies, semblent sortir d’un rêve. La divagation de l’esprit peut transformer le paysage. Même dans la photographie, qui doit composer avec le réel situé devant l’objectif, la vision peut s’introduire à l’intérieur de la vue.
L’horizon est une ligne qui délimite les éléments – le ciel, la terre, la mer – d’un paysage et ordonne sa représentation. Il délimite des plans et permet d’ouvrir ou de fermer une perspective. L’horizon est une construction qui montre où porter le regard par le choix d’un point de vue. Associé à un cadrage, à une lumière, à un format, il peut produire des effets très différents.
En aménageant l’espace dans l’œuvre, l’horizon établit un lien avec l’espace et le corps du regardeur selon son positionnement, haut ou bas, et le rapport d’équilibre ou de déséquilibre induit entre les éléments figurés. L’horizon tient parfois à distance le regard et le corps ou au contraire les intègre au cœur de l’œuvre.
Il peut relier différents plans, être un seuil, ouvrir vers un au-delà de l’image. Lorsque ce point de repère pour l’œil est incertain, brouillé, insaisissable, l’espace n’est plus polarisé. L’artiste joue ainsi de sa disparition pour produire une indétermination de lieu, immerger le spectateur dans l’œuvre et l’absorber dans une profondeur aussi intérieure que méditative.
Restituer une atmosphère, représenter l’insaisissable constituent un véritable défi artistique puisqu’il s’agit de transcrire dans un objet, dans une matière dotée de formes et de couleurs l’évanescent, l’immatériel, l’impression fugace.
Les variations lumineuses, les reflets et les miroitements, les ondulations de l’eau ou le souffle du vent, le froid ou l’humidité conduisent les artistes à expérimenter de nouvelles manières de créer en plaçant au cœur de leur recherche le mouvement et la sensation. Le jeu sur la transparence et l’opacité, l’éclat et le flou, le vaporeux et le gazeux, le contraste et le fondu sont des moyens pour restituer l’eau ou l’air, la présence pourtant inconsistante de l’atmosphère.
La peinture, elle-même liquide, peut être utilisée non plus pour figurer la mer, un lac, un étang mais pour matérialiser l’eau sur la toile, par des gouttes et des coulures. L’aquarelle, au rendu fluide et transparent, est ainsi un médium dont la valeur expressive a toujours été exploitée
dans les paysages d’eau.